[...] je me passionnait pour les méthodes de classement et l'étude morphologique de ces objets en bois, en terre cuite, en cuivre de chaudronnerie, en roseau, en boyaux et en peau de bouc, ancêtres des modes de produire des sons qui se perpétuent avec une vigueur millénaire sous le vernis prodigieux des facteurs de Crémone ou dans le somptueux chalumeau théologique de l'orgue.En désaccord avec les idées généralement reçues sur l'origine de la musique, j'avais commencé a élaborer une ingénieuse théorie qui expliquait la naissance primordiale par le souci d'imiter la marche des animaux ou le chant des oiseaux. Si nous tenions compte du fait que les premières représentation de rennes et de bisons, peints sur les murs des cavernes, étaient dues à une ruse magique de chasse - s'emparer de la proie par la possession préalable de son image - je n'étais pas loin de la vérité en pensant que les rythmes élémentaires étaient ceux du trot, du galop, du saut, du gazouillis et de la trille, cherchés par la main sur un corps sonore, ou avec le souffle dans le creux des joncs.

Alejo CARPENTIER
LE PARTAGE DES EAUX, Ed. Gallimard, 1956

 

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Nota: L'année 2004 est le centenaire de la naissance d' Alejo CARPENTIER